L’atelier n’est pas pour me déplaire non plus. J’y taille des pierres
de malachite brute à l’aide d’une meule en pierre manuelle. J’y confectionne
des mickeys, des minnies, des donalds et daisys en triplex, sciés, peints et
vernis pour les accrocher aux murs ou les offrir. J’y construis aussi des cages
à lapins.
J’aime aussi m’abriter chez les poules. Elles sont bavardes et me
tiennent toutes sortes de conversations. Ne touche pas à mon œuf ! Je couve ! T’as du grain pour
nous ? Koooot, kot kot kot.
Zézette, la grosse brune, bavarde et comprend tout, comme le chat
Victor.
Née sous le signe du sagittaire, signe associé aux activités
scientifiques et religieuses, j’observe comment on soigne nos animaux :
chats, chiens, poules, canards, chèvre, lapins et chevaux. Je vénère le
vétérinaire comme un magicien ou un grand sorcier. Le monde étrange des
insectes me fascine aussi : les papillons, les sauterelles, les fourmis et
les termites. Je joue aussi volontiers avec les caméléons de passage au jardin.
Au fond, si je cherche vraiment des traces de ma première maison dans
ma mémoire, il ne m’en reste que très peu. De ma chambre, je me rappelle deux
souvenirs très forts.
Le premier, c’est encore lors de la sieste. Quelle chaleur ! Bon sang ce qu’il peut faire torride juste
avant la saison des pluies ! Je m’étends sur mon lit. Pas moyen de se
distraire dehors, l’atmosphère est suffocante début octobre. L’air pèse de
toute sa lourdeur, oppresse. Je végète. Je ne dirais pas que j’écoute les
lézards mais je les entends glisser le long du mur. Le temps est suspendu dans
un faible souffle.
Soudain, le vent se lève. Rapidement, il rugit en puissance. Les bananiers face à la fenêtre s’accrochent
les uns aux autres, se cramponnent au sol, gémissent. Le tonnerre gronde. Une
procession de nuages noirs annonce la pluie. Plic, plic, plic. Ploc, ploc,
ploc. Broumbadabroum broum broum ! Lumières, éclairs, feu d’artifice, tous
les ingrédients d’un bon orage tropical sont réunis. La pluie s’abat en rafales
drues sur le toit en tôles ondulées. Quelle jouissance ! Et puis
surviennent l’odeur de la terre mouillée après la surchauffe solaire et le
parfum exhalé par les arbres, les buissons et les fleurs. La nature fête la
première pluie de la saison.
Le second souvenir se passe toujours dans ma chambre, lors d’une nuit.
Je me réveille en sursaut. J’entends un bruit de galop sur le toit en tôles
ondulées. Qui se permet ? Qui ose ? Tagalop, tagalop, hop, hop … Et
ce n’est pas tout. Un concert de chats amplifie ce boucan. Que se
passe-t-il ? C’est Basile, le singe du boucher, notre voisin. Il a encore
leurré son maître qui l’a attaché à une longue corde reliée à son collier par
un mousqueton. Basile est malin. Il aime la ville. Il sait pincer le mousqueton
et prendre la poudre d’escampette. Il effectue sa tournée des grands ducs sur
les toits.
L’avenue des Acacias est bordée … d’acacias, mais également de
manguiers. Ah, les mangues et leur chair ferme d’un jaune orangé alléchant qui
m’évoque le jus qui coule le long de mes joues quand je les croque crues ou
l’odeur et la saveur d’une compote fraîchement préparée et mise à refroidir.
Rien qu’à me les remémorer, j’en ai l’eau à la bouche !

Un plaisir de te suivre dans tes souvenirs, Filo Filo.
RépondreSupprimerTu étais une petite fille pleine de vie et curieuse de tout. (sourire)
Belle soirée à toi.