lundi 4 mai 2020

La maison accacia - suite 1


Les yeux fermés, je visualise des images de cette fameuse maison Acacias. De la pénombre, de la chaleur et de l’ennui dans ma chambre de petite fille, avant d’accéder à l’école primaire. Tous les jours, à l’heure de la sieste, Mamy me cloître dans ma chambre jusqu’à ce qu’elle daigne se lever pour m’ouvrir. Quelle prison, sauf quand le chat me tient compagnie. Je le cache sous mon lit.  Mamy ne peut pas le repérer, sinon elle le chassera vers l’extérieur, là où nous avons une folle envie de filer tous deux.

Je ne dors pas. Je m’ennuie souverainement. Je ne sais pas encore lire ni écrire. J’attends. Pour faire quelque chose, je regarde les mouches voler, les lézards musarder. J’écoute le vent caresser les feuilles du manguier à l’angle externe de la salle de douche installée au fond de ma geôle. J’aimerais mieux grimper dans le manguier et puis sauter sur le toit de la barza.

Une clé s’insère dans la serrure, tourne, et la porte s’ouvre. Je revis. Le sang reprend sa course dans mes artères, dans mes veines. Je cours ventre à terre avant que mamy ne me retienne et sans me retourner.

La maison Acacias, c’est bien ! Mais la parcelle qui l’entoure, limitée par le jardin, les dépôts de marchandises diverses et le poulailler, c’est mieux ! A moi l’aventure !

Tous les samedis et tous les dimanches, c’est l’heure de la sacro-sainte sieste. Mais, dès l’âge de six ans, je ne suis plus bouclée dans ma chambre. Je vais jouer dans l’entrepôt où Papy remise les caisses en bois, vidées de leurs marchandises. A l’aide des plus grandes, je construis ma maison. Je démonte les caisses en planches et les ajuste autrement. Je ramène des outils dénichés dans l’atelier. Les outils sont mes amis, ils m’attendent bien sagement accrochés aux murs. Au magasin, je dérobe des verrous, des chevilles, des vis et des écrous, des rondelles et tout le nécessaire pour que la cabane prenne forme, peu à peu, bien dissimulée derrière d’autres caisses empilées à dessein, juste aux alentours immédiats. Des morceaux de treillis à poulailler sont ajustés aux ouvertures que j’ai sciées en guise de fenêtres.

Je balaie le sol, prends les poussières. De la maison des parents, je déniche des objets de décoration pour mon petit nid à moi. Par exemple, je découpe des images dans les magazines de Mamy, ce qui m’a valu quelques bonnes fessées, mais la beauté de mon nid vaut bien une déculottée. Je récolte aussi un peu de nourriture. Un jour, j’allume même une bougie placée à côté de bouquets de fleurs fraîchement cueillies au jardin et plongées dans des boîtes à conserve remplies d’eau. Des vestiges de la confiture Héro dont je visualise encore les étiquettes reprenant les différents fruits colorés. Par prudence, je surveille la bougie, elle pourrait déclencher un incendie. Les parents ne doivent à aucun prix découvrir mon royaume.

3 commentaires:

  1. Et un royaume est précieux pour une petite fille ! (sourire)
    Belle fin de journée, Filo Filo.

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  2. Oh que oui ! A tout bientôt, Françoise. Je suis fort absorbée par la création en WP5 d'un site sur la méditation ...

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    1. Oh oh ! Intéressant ! :-)
      Belle journée à toi, Filo Filo.

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