samedi 25 avril 2020

Chats-chats-chats


Toute petite fille, j’aimais déjà les chats. Des clichés me rappellent mon fidèle chat angora blanc, Victor. Un souvenir lointain s’impose à moi. C’est lors d’une partie de course-poursuite avec ma grande sœur.

Vite, vite, je cours vite ! Je dois avoir quatre ou cinq ans et je suis la souris. Vite, vite, je cours vite ! Il ne faut pas que ma sœur la chatte m’attrape. Je cours à perdre haleine du fond du jardin vers la maison. Le soleil embrase la barre de l’horizon.

Ma course s’accélère. Je cravache mes jambes et je m’engouffre dans le salon. J’atteins le long couloir plongé  dans une quasi-obscurité. Je fonce. Soudain, je perçois un miaulement qui déchire le mur de mes tympans. Mon pied a heurté une masse indéfinie. J’appuie sur l’interrupteur pour éclairer le couloir et aperçois une flaque rouge s’évasant rapidement par vagues. Au milieu de cette tache mobile, le second de mes trois chatons, pris d’ultimes convulsions agonise puis … se détend. Ma grande sœur manque de nous tomber dessus. Elle me regarde, consternée. Je ramasse le chaton et l’approche tout doucement de ma joue. Son corps est encore tout chaud. Son pelage gris souris tout duveteux sent encore le lait de la dernière tétée.

C’est malin, hein, il est mort maintenant, crie ma grande sœur. Tu aurais pu faire attention ! Mort, ça veut dire … Un chagrin intense me donne la nausée, m’essore la tête de toutes les larmes possibles, m’abat d’une douleur lancinante au ventre. Je ne jouerai plus jamais à la course-poursuite. J’aurais déjà dû prendre cette décision l’autre jour, quand le chien a joué au même jeu avec le premier chaton et lui a croqué l’arrière-train. A la suite de ces deux enterrements, des questions surgissent. Est-ce que moi aussi je peux mourir et partir pour toujours ? Est-ce que quelqu’un peut m’écraser, me tuer ?

Ma grande sœur joue peu avec moi. Elle est mon aînée de sept années et s’amuse avec ses copains et copines. Alors, je jette mon dévolu sur le chat rescapé, Victor. Nous jouons à la poupée dans ma chambre ou à cache-cache dans le magasin où il passe le plus clair de son temps à dormir.

Une scène s’impose encore à mon esprit. Papy ouvre les portes de sa boutique. L’après-midi s’annonce chaud. Il sort un dossier de factures sous le comptoir quand arrive Madame Martins, une cliente assidue. Chaque fois, elle s’approche du comptoir et lorgne le chat, vautré sur un présentoir publicitaire pour hameçons. Elle le flatte de sa main grassouillette tout en lui susurrant des mots d’amour : Adoravável amor, como está ? Vós miado, vós ronrom. Tesouro meu … um beijo ![1]  Elle le cajole, le minou aux yeux verts, polochon d’épais flocons de poils blancs. Elle ne résiste plus, craque et fourre son nez contre le ventre chaud de mon minou. Victor s’étire de jouissance sous les câlins répétés. Il rétracte ses griffes puis se roule en boule, la truffe rose dissimulée sous sa queue touffue.

Elle voudrait tellement avoir un chaton mais ne comprend pas que Victor est un mâle. De guerre lasse, Papy le lui explique en long et en large avec force gestes. Finalement, elle rit lorsque Papy l’invite à s’adresser à notre voisin, le boucher, qui possède Blanchette, celle qui porte les petits de Victor après quelques galipettes.


[1] Comment vas-tu, amour adorable ? Tes miaous, tes ronrons. Mon trésor … un bisou !

white cat lying on white textile
Photo Unsplash free

4 commentaires:

  1. Un début fort triste. Avez-vous facilement réussi à surmonter cet "accident"?

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    1. Je ne m'en souviens pas. Il en est résulté que depuis, j'ai toujours aidé, soigné, défendu les animaux et voué un respect profond à la VIE. Merci de votre passage et passez une toute belle et bonne journée, Mme Chapeau !

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  2. Bonsoir Filo Filo,
    J'imagine le chagrin que tu as dû éprouver lorsque tu as vu que le chaton était mort. On n'oublie jamais ses chagrins d'enfant, ils marquent pour la vie. Et que de questionnements aussi.
    J'ai une soeur qui a cinq ans de plus que moi, et lorsque nous étions gamines, tout comme toi, nous ne jouions jamais ensemble, j'étais la petite, insignifiante.
    Merci de partager ces souvenirs, Filo Filo.
    Bonne fin de soirée et une douce nuit.

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  3. Bonjour Françoise. J'ai aussi une grande soeur qui a 7 ans de plus que moi. Jouer ensemble était rarissime mais elle veillait sur moi. Passe aussi une toute douce journée et RV sur ton espace en fin d'après-midi !

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