dimanche 7 juin 2020

Indépendance cha-cha et Bulaya


Lors des repas, les parents s’agitent de plus en plus à table.  Nerveux, ils échangent des informations que je ne comprends pas. Je ne fais que capter des mots : indépendance, Kasavubu, Lumumba, Tshombé, Sendwe Jason, Conakat, Balubakat, force publique, sécurité, blablabla. Les carottes semblent cuites quelque part. Je flaire du changement dans l’air. La preuve ? Les parents expédient l’essentiel de leurs biens dans de bonnes caisses en bois, par bateau, en direction de Bulaya[1]

Le 16 juin 1960, je réalise ce qui se trame mais c’est encore flou. Je préfère ne pas y penser. Les parents nous conduisent, ma grande sœur et moi, à l’aéroport de la base militaire. Un avion nous y attend en direction de Bulaya.  Aller simple à Ruisbroeck. Mamy pleure. Nous aussi. Le lendemain, nous sommes recueillies par nos grands-parents maternels que nous connaissons à peine.

Le 17 juin 1960, fini de rigoler. Du jour au lendemain, notre univers passe d’un paradis divin à un minuscule jardin, côté nature. Côté logis, de la maison Acacias nous atterrissons dans une maison Blanche-Neige, sans les sept nains, à part Bobonne qui est très menue de taille, il est vrai. Elle mesure à peine une bonne tête de plus que moi alors que je n’ai pas encore huit ans. Bon-Papa, plus grand qu’elle, est grabataire et est installé dans une pièce au rez-de-chaussée entre le salon (où l’on ne va qu’aux grandes occasions) et la vaste cuisine qui sert de salle de séjour, de bureau, de buanderie et … de salle de bains !

Il s’agit de chauffer des seaux d’eau sur le poêle de Louvain jusqu’à remplir une grande bassine déposée à même le sol. La bonne température est obtenue par addition d’eau froide. Il faut se laver toute nue dans la cuisine … Ma grande sœur trouve une parade à ce petit jeu particulièrement déplaisant. Nous allons au bain public de La Perche à Bruxelles, prendre un bon bain, un vrai !


[1] Terme en Kiswahili qui signifie exactement « Europe ».

Photo free unsplash - Avion vers Bulaya

11 commentaires:

  1. Partir travailler au Congo,c'était une façon de prendre l'ascenseur social.
    Vous ne nous avez pas encore raconté comment votre nouveau "travail" à la maison de repos se passait.
    Parents et pensionnaires doivent être contents de pouvoir se revoir. Que ce soit un peu grâce à vous doit être gratifiant, non?
    Bien à vous.

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  2. Coucou, Madame Chapeau ! La Maison de repos où j'effectue un bébévolat confine toujours, sauf pour la famille. Grâce à un partenariat avec la Fondation Roi Baudouin, j'ai pu rester en contact avec les résidantes avec qui je pratique la méditation de Pleine Présence. Je leur envoie chaque semaine via FAMILEO une gazette avec des consignes de méditation, des photos, une citation et parfois un poème. Comme cela, vous savez tout ! J'espère reprendre en direct la méditation et la podoréflexologie le mois prochain. Belle semaine à Vous !

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  3. Réponses
    1. En fait, je parlais de l'aide demandée pour accueillir les familles sur la terrasse en attendant le vrai déconfinement...

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    2. Cette aide n'a pas eu lieu. Ils ont procédé autrement.

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  4. Oui, sûrement un changement pour deux petites filles habituées à avoir de l'espace et une certaine forme de liberté.
    PS : as-tu toujours dans l'idée de créer un blog méditatif ? (sourire)
    Belle fin de journée, Filo Filo.

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    1. Oui, ce blog est quasi sur pieds. Tu peux aller voir au lien :
      https://lea-meditations.com

      Il me prend les mains et c'est pour cela que je suis parfois absente dans cette blogosphère-ci.

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    2. Merci Filo Filo, je note le lien et j'irai le visiter.
      Belle journée à toi.

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  5. Toute une époque.... révolue !

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  6. Oui, AlainX, et c'est tant mieux ;-)

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